Doctorante: Mathilde Chemel, Directeur de thèse HDR : Franck Lartaud
Thèse soutenue le 19 décembre 2023

Les coraux d'eau froide tels que Lophelia pertusa, une espèce clé constructrice de récifs, constituent des habitats importants pour diverses communautés biologiques. Ils se développent dans des eaux ≤ 14°C, et sont donc considérés comme particulièrement menacés par le réchauffement des océans. Des études récentes ont caractérisé l'écologie des coraux froids et ont montré une dégradation de leur état de santé en réponse aux changements de température. Cependant, il n'est toujours pas clair si les populations de différentes régions océaniques, vivant dans des conditions de température différentes (10°C en Atlantique et 13°C en Méditerranée), répondent de manière similaire aux changements de température. L'objectif général de cette thèse était d'étudier les effets de la température sur les populations de L. pertusa de l'Atlantique Nord-Est et de vérifier si elles partagent la même niche écologique thermique que la population méditerranéenne. Dans la première partie de la thèse (Chapitres 2 et 3), nous avons mené des expériences pour étudier la réponse de l’holobiont L. pertusa aux changements de température à différentes échelles de temps. Nous avons déterminé la réponse de l’holobionte, au niveau de la diversité et des fonctions du microbiome, et de la physiologie du corail (survie, croissance, nutrition, expression des gènes). Ces expériences ont montré que L. pertusa de l'Atlantique Nord présentait une forte mortalité lorsque la température augmentait au delà de + 3°C. Avant de mourir, les coraux ont montré des signes évidents de stress, et leur microbiome a changé (dysbiose) avec l'invasion de bactéries pathogènes. Inversement, la baisse de la température de l'eau n'a pas affecté leur état de santé. Dans la deuxième partie de la thèse, nous avons mené des études in situ visant à améliorer notre compréhension de la reproduction (Chapitre 4), du microbiome (Chapitre 5) et de la croissance (Chapitre 6) des coraux d'eau froide de l'océan Atlantique Nord-Est et de la mer Méditerranée, afin de déterminer si le changement climatique aurait un impact différent sur ces deux populations. L'étude de la biologie reproductive en mer Méditerranée suggère que L. pertusa se reproduit de manière saisonnière entre l'automne et le début de l'hiver, lorsque les épisodes de cascades d'eau dense sont plus probables, alors que Madrepora oculata présente une reproduction continue, comme cela a déjà été identifié pour d'autres populations. Une autre différence entre les deux espèces est que L. pertusa avait un microbiome plus variable à la fois dans l'Atlantique Nord-Est et dans la mer Méditerranée, avec une grande variabilité spatiale au sein des canyons. Inversement, M. oculata présente des microbiomes stables dans les différentes régions, caractérisés par une forte association avec la bactérie Endozoicomonas. Enfin, nos premières estimations in situ de la croissance de L. pertusa dans un canyon du golfe de Gascogne ont montré que leur croissance est plus lente que dans la mer Méditerranée. Dans l'ensemble, nos résultats montrent une très grande sensibilité de L. pertusa de l'Atlantique à une augmentation de +3/+4°C de la température, ce qui suggère qu'ils ont une limite thermique supérieure plus basse que leurs homologues méditerranéens. Compte tenu de la grande sensibilité des deux populations, elles semblent avoir une faible résilience et une capacité limitée d'adaptation à long terme au réchauffement dans le contexte du changement climatique.

Mots clés : Lophelia pertusa, Réchauffement, Microbiome, Physiologie, Niche thermale, Océan Atlantique et mer Méditerranée